• Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

     

    Manouchian, loi immigration RN...

    Emmanuel Macron face à l’Humanité

    À l’occasion de l’entrée au Panthéon, le 21 février, des résistants communistes Missak et Mélinée Manouchian, le président de la République a répondu aux questions de l’Humanité. Une première pour notre titre. Et l’occasion inédite de l’interroger sur ses conceptions de la nation, de l’immigration et sur sa responsabilité dans la montée de l’extrême droite.

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes de l'Humanité, le 16 février 2024, à l'Elysée.
    © Philippe Labrosse / Divergence

    C’est une première qui n’allait pas de soi. En cent-vingt ans d’histoire, l’Humanité n’avait jamais réalisé d’entretien avec un président de la République en exercice. Pourtant, vendredi 16 février, en fin de matinée, quatre de nos journalistes se sont rendus à l’Élysée pour interviewer Emmanuel Macron. L’entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon parachève la reconnaissance par la nation de la Résistance communiste étrangère.

    Un geste mémoriel inédit, essentiel, bien qu’en contradiction complète avec la politique conduite par Emmanuel Macron : une politique ultralibérale, antisociale, qu’une majorité de Français juge autoritaire et que nous dénonçons chaque jour dans nos colonnes. Le récit élyséen entend faire de ces résistants des martyrs portés par le seul amour de la patrie : ils étaient antifascistes, internationalistes.

    Avec la mémoire de Missak Manouchian pour fil rouge, cet entretien déplie une vision de la nation, de l’immigration, du combat contre l’extrême droite, de la question sociale en complète rupture avec les convictions, les principes qui guidaient les immigrés des FTP-MOI.

    À nos questions sans concession, le président de la République répond sans détour, en défendant pied à pied sa politique. Dans cet échange vif et franc, Emmanuel Macron est resté fidèle à lui-même. L’Humanité aussi.

    Mercredi 21 février, avec Missak Manouchian, résistant étranger, apatride, la Résistance communiste entrera enfin au Panthéon. Comprenez-vous que votre choix surprenne, tant son combat paraît aux antipodes de votre projet politique ?

    Non, car ses combats rejoignent les idéaux républicains. Pour la seconde fois, après Joséphine Baker, un « Français de préférence » entre au Panthéon. Ce choix correspond à l’idée républicaine et est cohérent avec la politique à laquelle je crois. C’est une façon de faire entrer toutes les formes de la Résistance intérieure, dont certaines trop longtemps oubliées.

    Soixante ans après Jean Moulin, la panthéonisation de Missak Manouchian et de ses camarades est un acte de reconnaissance des FTP-MOI et de tous ces juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, communistes, qui ont donné leur vie pour notre pays. C’est pour cela aussi, au-delà de Manouchian et de ses camarades, que j’ai fait reconnaître « Morts pour la France » lesrésistants fusillés du Mont-Valérien.

    Vous reprenez les mots d’Aragon, « Français de préférence », mais pour leur faire dire l’inverse de ce que le poète avançait avec le vers « Nul ne semblait vous voir français de préférence »…

    Je ne mets pas de virgule après Français. Ces « Français de préférence » sont les Français de choix et de sang versé. Ils étaient apatrides car le droit français et européen ne permettait pas de reconnaître ces destins dans la République. Ce n’est qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que la France a reconnu le droit d’asile sous la forme que nous connaissons.

    Lors du 75e anniversaire du débarquement en Provence, j’ai souligné le rôle des non-Français, venus du continent africain, qui ont participé à la libération du pays. C’est une façon de regarder autrement notre histoire, d’inventer une autre relation avec nos compatriotes dont les familles viennent d’ailleurs. C’est reconnaître ce qui fait le cœur de la nation.

    Vous insistez sur son engagement patriotique. Manouchian aimait la France, non pas tant pour son « long manteau de cathédrales » que pour ce qu’elle représentait à ses yeux : « La patrie des droits de l’Homme », héritière de la Révolution française. Les 23 du groupe Manouchian étaient résolument engagés dans la lutte antifasciste et internationaliste. Que faites-vous de cette dimension de leur combat ?

    Elle est centrale. La cérémonie de mercredi, avec la remontée de la rue Soufflot, marquera trois temps pour scander les trois grandes étapes de la vie de Manouchian. Il est d’abord enfant du génocide arménien, que la France a reconnu. Il était aussi ouvrier, internationaliste, communiste, poète. Il a d’ailleurs écrit un poème pour votre journal. Et il fut ce grand résistant, prenant tous les risques pour ses idéaux jusqu’à périr sans « aucune haine ».

    Marine Le Pen a reçu une invitation protocolaire comme présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale pour assister à la cérémonie. Cette panthéonisation aura-t-elle du sens si l’héritière politique des bourreaux de Manouchian est là ?

    Mon devoir est d’inviter tous les représentants élus par le peuple français. Est-ce au président de la République de dire qu’un élu du peuple français siégeant au Parlement est illégitime ? Non. Le président de la République n’a pas à faire le tri entre eux.

    Comme pour l’hommage à Robert Badinter dont les élus du RN étaient absents, l’esprit de décence, le rapport à l’histoire devraient les conduire à faire un choix. Je combats les idées du RN et je l’ai même défait par deux fois. Les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat de Manouchian. Mais je ne vais pas, moi, par un geste arbitraire, en décider.

    Par ces propos, ne contredisez-vous pas votre premier ministre Gabriel Attal lorsqu’il affirme que « l’arc républicain, c’est l’Hémicycle » ?

    L’Assemblée nationale accueille toutes les forces élues par le peuple. Est-ce que toutes adhèrent à la République et ses valeurs ? Non. C’est aussi vrai pour des groupes d’extrême gauche.

    Vous les mettez sur le même plan, sérieusement ?

    J’estime que, par leurs positions, certaines personnalités de la France insoumise combattent les valeurs de la République. Même si je ne pose pas d’équivalence entre les deux extrêmes. Je n’ai jamais considéré que le RN ou Reconquête s’inscrivaient dans l’« arc républicain ».

    Le RN est à l’Assemblée, ses députés votent les lois et l’Assemblée nationale leur a confié des responsabilités. On ne peut pas en faire abstraction. En revanche, j’ai toujours considéré, comme avec la loi immigration, que les textes importants ne devaient pas passer grâce à leurs voix. Ce distinguo suffit à dire où j’habite.

    Entre 2017 et 2022, Marine Le Pen a gagné plus de 2,5 millions de voix. Vous disiez vouloir tout faire, pendant votre quinquennat, pour que les électeurs n’aient « plus aucune raison de voter » pour elle. Quelles leçons tirez-vous de cet échec ?

    Ce serait un échec si Marine Le Pen était ici à ce bureau à vous parler.

    Il n’est pas impossible que cela arrive en 2027, bien que nous n’irions pas l’interroger…

    Je n’ai pas l’esprit de défaite. Si je n’avais pas été au second tour en 2022, elle aurait sans doute eu plus de chances de l’emporter. La capacité à unir des démocrates sociaux jusqu’à la droite pro-européenne et raisonnable était la condition pour accéder au second tour et la défaire.

    À qui la responsabilité ? Des politiques très à gauche menées dans les années 1980 ont conduit à l’entrée, à l’Assemblée, du Front national, résolument antisémite et négationniste, ce que n’est plus ouvertement le RN. Tout cela doit conduire à l’humilité.

    La désindustrialisation comme le sentiment de déclassement ont nourri l’extrême droite. Nous avons commencé à y répondre avec la baisse du chômage et le début de la réindustrialisation. C’est un long processus.

    Admettez que cela ne se traduit pas dans les urnes…

    Regardons autour de nous. Quand je suis élu en 2017, l’AfD n’existe quasiment pas en Allemagne. Elle est aujourd’hui la deuxième force du paysL’extrême droite a flambé en Espagne et en Pologne, elle a gagné en Italie et aux Pays-Bas.

    Le sentiment de perte de contrôle alimente le RN. Beaucoup de ses électeurs considèrent l’Europe comme un monde trop ouvert, trop compliqué. Donc la formule magique serait le retour au nationalisme.

    Le sentiment de déclassement se nourrit aussi de la montée des inégalités, qui ont explosé depuis 2017. Vous avez stigmatisé « ceux qui ne sont rien », vous êtes vu comme le président des riches et un ministre sur deux est millionnaire. N’est-ce pas le meilleur carburant pour l’extrême droite ?

    Je récuse cela factuellement : les inégalités n’ont pas explosé. L’Insee a même documenté le contraire en rappelant que nos mesures ont permis de soutenir le revenu des ménages, en particulier des plus modestes, d’abaisser le taux de pauvreté de près d’un point en 2022 et d’augmenter de 3,3 % le niveau de vie des 10 % les plus modestes.

    Nous avons réarmé les services publics. Nous avons dépensé plus de 60 milliards pour l’hôpital, augmenté les salaires des infirmières, des aides-soignants et des médecins, mais aussi des professeurs, comme jamais depuis 1990.

    Je veux bien qu’on me reproche une politique libérale qui aurait creusé les inégalités, mais j’ai augmenté de façon inédite les budgets de l’éducation nationale, de la santé, de la justice et de la sécurité. Grâce à tout cela, la France est un des pays au monde où les inégalités après redistribution sont les plus faibles.

    Après sept ans au pouvoir, vous n’auriez aucune responsabilité dans la montée de l’extrême droite ?

    Je ne dis pas que j’ai tout réussi. Nous avons tous des responsabilités, mais la caricature que vous faites de ma politique est fausse. Les chiffres le prouvent.

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Emmanuel Macron, président de la République face aux journalistes de l’Humanité à l’Elysée, le 16 février 2024.
    © Philippe Labrosse / Divergence

    L’Insee recense 9,1 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, soit 14,5 % de la population…

    Cette situation prévalait auparavant. Nous avons traversé la pandémie de Covid, le choc lié à la guerre en Ukraine, la crise de l’inflation… et nous avons réussi à protéger les Français pour sauvegarder leur pouvoir d’achat, notamment celui des moins favorisés. Chez nos voisins, c’est bien pire.

    Les chiffres que vous citez sont ceux de la pauvreté relative, c’est-à-dire que c’est parce que les revenus ont progressé de manière historique que le seuil de pauvreté s’est fortement élevé. Dans notre pays, les forces d’extrême gauche proposaient un Smic à 1 400 euros ; nous y sommes.

    Depuis 2017, le Smic a progressé de près de 20 %. Pendant la crise de l’inflation, les données montrent que le pouvoir d’achat des classes moyennes a été soutenu plus que dans d’autres pays. Il est donc faux de dire que ma politique serait antisociale.

    En 2022, dans votre interview du 14 Juillet, vous expliquiez qu’« une nation, c’est un tout organique ». On pense à Barrès, avec la Terre et les morts. Deux ans plus tôt vous repreniez – à propos de la sécurité – l’opposition maurrassienne entre le « pays légal » et le « pays réel ». Vous parlez aussi de « décivilisation »… Pourquoi emprunter le langage de l’extrême droite ?

    Sur le « tout organique », Jaurès et Péguy ont dit la même chose… Je déteste cette façon de raisonner par contiguïté. Ce n’est pas parce que quelqu’un avec lequel vous n’êtes pas d’accord utilise un mot qu‘il lui appartient.

    Le processus de civilisation est un concept de Norbert Elias. Vous êtes parfois de drôles de censeurs. Vous finissez par voir le monde avec le référentiel de l’extrême droite. Il ne faut pas lui laisser la capacité à nommer le réel. On me fait un procès totalement fou.

    Avec l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon, la République reconnaît que l’immigration, en l’occurrence irrégulière, fait la France. Cela intervient deux mois après le vote de la loi à l’occasion de laquelle vous avez déclaré que « la France a un problème d’immigration ». Est-ce qu’on ne touche pas là aux limites du « en même temps » ?

    Pas du tout. Il s’agit de reconnaître ce que des apatrides qui fuyaient un génocide ont pu apporter à notre pays et, en même temps, de contrôler les frontières. Du temps de Manouchian, la France contrôlait ses frontières.

    Parmi les FTP-MOI, d’autres sont venus pour des raisons économiques…

    Cela a toujours été le cas dans notre pays et cela continuera. Je n’ai jamais dit pour ma part que j’étais contre l’immigration. Une chose est de dire que l’on veut maîtriser le phénomène migratoire, ce qui me semble légitime, une autre est de donner sa place à chacun.

    Quand Manouchian est arrivé en France, l’asile sous la forme actuelle, née de la Seconde Guerre mondiale, n’existait pas. Il serait aujourd’hui protégé par la République. C’est là que nous avons un vrai désaccord. Dans le débat politique sur la loi immigration, vous avez voulu me mettre dans un camp, ce que je récuse. J’ai toujours défendu le droit d’asile. Le texte est très clair à ce sujet.

    Pourtant, des personnes fuyant des pays en guerre sont déboutées du droit d’asile…

    C’est à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides – NDLR) d’en juger. Très peu de demandes sont refusées, les taux sont énormes.

    Seulement 42 % des dossiers acceptés…

    Beaucoup plus dans les pays en guerre ! Et le tout est sous le contrôle du juge ! Il est légitime de vouloir préserver ses frontières, surtout dans un pays où le modèle social est très généreux, où il faut préserver la cohésion de la nation. La France a constitutionnalisé le droit d’asile en Europe. Je le défends et je le défendrai, en dépit des attaques de l’extrême droite et d’une partie de la droite.

    Notre système est devenu totalement inefficace pour lutter contre l’immigration clandestine. Cent vingt mille demandes d’asile ont été formulées l’année dernière et, en attendant, les personnes qui sont sur notre sol ont accès à l’hébergement inconditionnel, à la scolarisation de leurs enfants et aux premiers soins.

    On peut me faire tous les procès du monde, mais lorsque j’ai été élu en 2017, nous n’avions que 96 000 places d’hébergement d’urgence. Aujourd’hui, il y en a 200 000, avec plus de 2 milliards d’euros investis. Plus de 60 % de ces places sont occupées par des personnes en situation irrégulière. La République est à la hauteur de ce qu’elle doit faire. Mais nos procédures étaient trop complexes et trop lentes. Le texte de loi vise à réduire leurs délais.

    Vous avez qualifié la loi immigration de « bouclier qui nous manquait ». Un bouclier contre quoi exactement, contre qui ?

    Contre les passeurs et les réseaux d’immigration clandestine qui prospèrent sur la misère du monde, en particulier sur le continent africain… Cette loi, associée au pacte asile et immigration finalisé au niveau européen, démantèle leurs réseaux qui profitent de la faiblesse de notre droit.

    Pensez-vous vraiment qu’un seul passeur libyen va cesser ses activités parce que la loi immigration a été adoptée ?

    Elle va nous permettre de débouter plus vite des gens auxquels ils font de fausses promesses. Cela permet une attrition de la source, avec ce signal : vous pouvez venir en France, mais par les voies régulières, avec un visa. Pour la cohérence de notre pays, nous devons être fermes car l’immigration clandestine provoque un sentiment de perte de contrôle, celui de ne pas maîtriser nos frontières.

    Vous dites que l’immigration menace la cohésion de la nation ?

    Vous n’êtes pas précis. Oui, s’il s’agit de l’immigration clandestine. Si elle n’est pas maîtrisée, elle menace la cohésion de la nation.

    En quoi ?

    La nation, ce sont des droits et des devoirs. Si elle est ouverte à tous les vents, que les immigrés irréguliers peuvent avoir accès à des droits sans y contribuer, qu’est-ce que cela produit ? Pourquoi croyez-vous que les classes populaires se tournent vers le RN ? Ne laissez pas le combat contre l’immigration clandestine à l’extrême droite.

    « Acceptez et reconnaissez que je porte une politique qui n’est pas celle de l’extrême droite. »

    Emmanuel Macron 

    Ce combat est républicain. Acceptez et reconnaissez que je porte une politique qui n’est pas celle de l’extrême droite. Je n’ai jamais eu un mot contre l’immigration. Mais vous ne pouvez quand même pas défendre l’immigration clandestine…

    Bien des FTP-MOI étaient des clandestins…

    Vous parlez d’un temps où l’asile n’existait pas. Manouchian ne serait pas expulsé aujourd’hui, il aurait à la seconde la protection de la République, puisqu’il venait d’un pays frappé par un génocide.

    Mais aucun républicain digne de ce nom ne peut défendre l’immigration clandestine et l’absence de règles. Cela ne signifie pas que nous cesserons d’accueillir en France. Ce texte de loi va permettre des milliers de régularisations.

    À la discrétion des préfets…

    Mais heureusement ! Le préfet, c’est l’État.

    Ce n’est pas ce que prévoyait le texte initialement proposé par le gouvernement.

    Un droit opposable à la régularisation n’aurait pas de sens. Le texte initial n’était pas assez précis. Dix mille personnes travaillent aujourd’hui sur notre sol et ne sont pas régularisables. Elles le seront grâce à la loi. C’est un bon texte.

    Un texte que Marine Le Pen tient pour une « victoire idéologique »…

    C’est, je l’ai dit, une manœuvre de garçon de bain, et tout le monde est tombé dans le panneau. Marine Le Pen affirmait, à la veille du vote, que si la loi prévoyait des régularisations, elle ne la voterait jamais. Finalement, elle a fait le coup du sombrero et tout le monde s’est fait avoir.

    Elle n’a rien défendu de ce texte. Elle combat les régularisations : la loi immigration les facilite pour les métiers en tension. Elle prône la préférence nationale : rien dans ce texte n’en relève. Elle refuse la scolarisation des enfants d’étrangers : nous les scolarisons.

    Pour toutes ces raisons, j’estime qu’en insinuant que tout se vaut, vous êtes dangereux. Je me permets de vous le dire parce que vous l’affirmez suffisamment à mon propos dans vos colonnes ! Je lis l’Humanité tous les matins. Vous êtes injustes avec le combat que je porte et vous accréditez l’idée selon laquelle je mènerais une politique d’extrême droite.

    Le ministre de l’Intérieur annonce la fin du droit du sol à Mayotte. Pourquoi cette atteinte à un principe fondateur de la nation française ?

    Il ne faut pas se focaliser uniquement sur le droit du sol. C’est un département français au cœur des Comores. Des familles y circulent et arrivent en France, via Mayotte, où elles ont accès à des prestations complètement décorrélées de la réalité socio-économique de l’archipel. Cela provoque un énorme appel d’air. À cela s’ajoute un nouveau phénomène, ces derniers mois, compte tenu des difficultés sécuritaires dans la région des Grands Lacs : une arrivée massive de personnes en provenance de Tanzanie et d’autres pays.

    Mais je vous le dis : restreindre le droit du sol pour Mayotte ne signifie pas de le faire pour le reste du pays. La deuxième grande mesure – et sans doute la plus nécessaire – pour casser le phénomène migratoire est la restriction de l’accès aux droits sociaux pour les personnes en situation irrégulière. Mayotte est la première maternité de France, avec des femmes qui viennent y accoucher pour faire des petits Français. Objectivement, il faut pouvoir répondre à cette situation. Je reste très profondément attaché à ce droit pour la France.

    Pourquoi cette atteinte à la République « une et indivisible » alors que Gérald Darmanin lui-même admet que cette mesure « ne suffira pas » ?

    Ce n’est pas une attaque à la République indivisible car la Constitution la reconnaît aussi comme plurielle et décentralisée. Nous pouvons adapter la Loi fondamentale aux territoires ultramarins : nous l’avons fait pour la Polynésie française, pour la Nouvelle-Calédonie.

    Il est légitime de poser cette question car les Mahorais souffrent. Ils ont d’ailleurs accueilli très positivement cette proposition, quelles que soient leurs sensibilités politiques. Nous devons casser le phénomène migratoire à Mayotte, au risque d’un effondrement des services publics sur l’île.

    Manouchian se battait pour un projet politique, celui qui a pris corps dans le programme du CNR. Celui-ci consignait notamment l’ambition de rétablir « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance vis-à-vis des puissances financières ». Aujourd’hui, une poignée de milliardaires possède l’écrasante majorité des grands médias : pourquoi laisser faire une telle concentration ?

    Nous ne laissons pas faire, nous respectons la loi.

    La loi peut être changée… 

    Oui, c’est pour cette raison que j’ai lancé les états généraux de l’information. Au demeurant, vous le savez bien, tous les titres indépendants qui rencontrent des difficultés trouvent auprès de l’État un appui financier, au nom du pluralisme.

    Considérez-vous cette concentration dans le secteur des médias comme un danger ?

    Bien sûr. Mais à quoi est-elle due ? Sans modèle économique, soit l’information est un service public, soit c’est un produit d’influence. Avec toutes les dérives que cela peut induire. Pour que des journalistes puissent informer en toute indépendance, avec une déontologie, dans un contexte pluraliste, il faut un cadre et je suis attaché à celui qui a été inventé après guerre, avec un soutien de l’État.

    Des propositions en ce sens vont-elles émerger de ces états généraux de l’information ?

    Je ne vais pas les préempter. Mais je suis convaincu qu’il faut faire ce travail. Nous avons maintenu, et accru, dans les périodes difficiles, les aides à la presse. Ce n’est plus suffisant. Avec le numérique, un phénomène très grave s’affirme : la commoditisation de vos métiers. N’importe qui peut se prétendre journaliste. Il n’y a plus de régulation.

    Or l’information a un coût. Sa production est guidée par une déontologie. Les réseaux sociaux abolissent le rapport à l’autorité, c’est-à-dire à la reconnaissance de l’auteur. C’est un vrai problème démocratique. Ces états généraux vont nous proposer, je l’espère, des règles, un modèle économique pour garantir le pluralisme. Sans cela, seuls des gens fortunés pourront posséder des titres de presse, mis au service soit de leurs intérêts, soit de projets politiques.

    Sur ce point, beaucoup vous ont reproché votre silence au moment de la prise de contrôle du JDD par Vincent Bolloré.

    Si j’étais indifférent, je n’aurais pas lancé ces états généraux. Mon rôle n’est pas de m’opposer à la prise de contrôle d’un journal si celle-ci est conforme à la loi. C’est de pouvoir dire que quelque chose ne tourne pas rond quand trop de titres se concentrent dans la main de quelques-uns.

    Gilets jaunes, mobilisation contre la réforme des retraites, mouvement climat… le Conseil de l’Europe comme l’ONU se sont régulièrement inquiétés d’un « usage excessif de la force » sous vos deux mandats. Mesurez-vous les conséquences démocratiques de cette violence opposée aux mouvements sociaux ?

    Oui, et c’est la raison pour laquelle nous avons révisé notre doctrine de maintien de l’ordre. Je suis tout cela avec beaucoup de vigilance. Mais ce qui m’inquiète surtout, c’est la montée de la violence dans la société. Il serait malhonnête de dire que les forces de l’ordre sont violentes de manière spontanée. Elles sont au service de l’ordre républicain.

    Des syndicalistes ont été la cible de violences…

    J’ai toujours salué l’esprit de responsabilité des forces syndicales, dont les cortèges se tiennent, qui jouent le jeu de la coopération avec les forces de l’ordre. Il n’en demeure pas moins que des minorités au sein de ces forces, mais surtout des éléments extérieurs, veulent installer une violence de rue.

    La République garantit le droit de manifester, de protester ; elle abolit la violence dans la société. Je serai intraitable sur les questions de déontologie. Mais je pense à tous nos policiers et nos gendarmes engagés pour protéger et servir les lois de la République, dont certains sont blessés à vie. Oui aux mobilisations, oui à l’expression de désaccords, mais jamais dans la violence.

    Vous avez déclaré, au soir de votre réélection : « Je sais que nombre de nos compatriotes n’ont pas voté ce jour pour soutenir les idées que je porte. Ce vote m’oblige. » Retraites, assurance-chômage, loi immigration… concrètement, à quoi vous a obligé ce vote ?

    Vous le verrez d’ici à la fin de mon mandat. Je sais que beaucoup d’électeurs de gauche étaient très opposés à la réforme des retraites.

    Pas seulement la gauche, une majorité de Français.

    Croyez-vous que j’ai fait cette réforme de gaîté de cœur ? Non. Mais si nous ne l’avions pas conduite, nous serions dans de grandes difficultés, alors que nous sommes déjà le pays d’Europe avec le plus gros déficit public, avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé.

    Je ne peux pas vous dire je veux une France plus forte, dans un moment où la guerre revient en Europe, sans faire de réformes pour travailler davantage. Celle-ci figurait dans mon programme. C’est cela, la démocratie, la République. Je suis, ce faisant, dans la même situation que tous mes prédécesseurs.

    J’essaie d’appliquer le projet pour lequel j’ai été élu et qui m’a placé largement en tête du premier tour en 2022. Je ne vais pas m’excuser d’avoir fait 28 %. Je sais que beaucoup n’adhéraient pas à ce programme. Mais c’est le cas pour toute élection. Celle de François Mitterrand, en 1981, a-t-elle mobilisé, au second tour, seulement des partisans du programme commun ?

    Il n’a pas été élu au terme d’un second tour face à l’extrême droite…

    Non, mais je suis élu dans un contexte où il n’y a plus de grandes manifestations comme en 2002. C’est la société qui a normalisé et banalisé l’extrême droite. Elle est invitée sur tous les plateaux de télévision depuis plus de dix ans.

    Je sais aussi la responsabilité qui est la mienne pour essayer de porter le projet démocrate et républicain, en prenant en compte la pluralité des opinions. C’est ce que je fais avec Manouchian sur le plan symbolique. Je continuerai de le faire dans le réel.

    SOURCE : Manouchian, loi immigration, RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité - L'Humanité (humanite.fr) 

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

     Emmanuel Macron : « À mes yeux Rafah est

    un point de rupture »

    À l’occasion de l’entrée au Panthéon, le 21 février, des résistants communistes Mélinée et Missak Manouchian, le président de la République a répondu aux questions de l’Humanité. Une première pour notre titre. Et l’occasion de l’interroger sur la position de la France dans la guerre qui oppose le Hamas à Israël dans la Bande de Gaza.

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Emmanuel Macron répond aux questions de l’Humanité, au Palais de l’Élysée, le 16 février 2024. © Philippe Labrosse / Divergence

    Vous vous êtes adressé à Benyamin Netanyahou pour lui dire que le bilan de la guerre à Gaza était « intolérable », que les opérations israéliennes devaient cesser. Que fait la France pour stopper le carnage annoncé à Rafah, pour imposer enfin un cessez-le-feu ?

    Notre position, depuis le début, est claire. Nous avons condamné de manière intraitable l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre. Nous avons reconnu le droit d’Israël à se défendre et à lutter contre le terrorisme. Et nous avons indiqué dès le début que cette lutte devait être conduite dans le respect du droit humanitaire, du droit international, du droit de la guerre. Nous ne pouvons pas soutenir des opérations contrevenant à ce droit.

    Nous devons continuer à prendre l’initiative. Nous avons été les premiers Occidentaux à engager, aux côtés de la Jordanie et des Émirats arabes unis, des initiatives diplomatiques pour appeler, par des résolutions, au cessez-le-feu. Nous continuons de le faire en mettant la pression diplomatique sur Israël. Puisque c’est une démocratie, cela lui confère des obligations dans la région : une démocratie ne peut pas faire ce qu’Israël est en train de faire.

    Nous avons également organisé la seule conférence humanitaire pour aider les Gazaouis, apporter des financements internationaux. Enfin, nous avons mené des opérations très concrètes. La France est le pays qui a soigné le plus grand nombre de Gazaouis : le Dixmude (porte-hélicoptères amphibie de la marine nationale française – NDLR) a permis de prendre en charge plus d’un millier de Palestiniens blessés. Nous allons continuer ce travail.

    J’ai dit au premier ministre Benyamin Netanyahou qu’à mes yeux Rafah était un point de rupture dans ces opérations. Rafah, c’est une partie de Gaza où vivaient, avant la guerre, 200 000 habitants et qui accueille désormais 1,4 million de personnes, alors que 80 % des édifices sont totalement rasés. D’ores et déjà, la situation humanitaire y est intenable.

    « La responsabilité d’une démocratie, c’est de lutter contre le terrorisme en respectant les droits. »

    Que vous a répondu le premier ministre israélien ?

    Le cabinet militaire israélien est divisé. C’est aussi la raison pour laquelle j’exerce cette pression. Benyamin Netanyahou pose une telle opération comme la condition d’une éradication du Hamas. Tout le monde partage cette volonté. Mais la responsabilité d’une démocratie, c’est de lutter contre le terrorisme en respectant les droits. Vouloir lancer une telle opération, même si des combattants du Hamas s’y trouvent, c’est la certitude d’une catastrophe humanitaire.

    Israël doit au contraire rouvrir les voies humanitaires, laisser entrer des médecins, permettre l’acheminement de l’aide, des médicaments. Non seulement vers Rafah, mais aussi vers le reste du territoire qui en est privé. Le drame humanitaire en cours et la montée des tensions dans la région compromettent aujourd’hui la possibilité d’une paix durable, donc la sécurité d’Israël. Celle-ci ne passera pas uniquement par une réponse militaro-sécuritaire, mais par la question politique – c’est ce que la France a toujours plaidé.

    Pourriez-vous, à court terme, reconnaître l’État de Palestine ?

    J’y suis ouvert mais il faut trouver le bon chemin. Je veux le faire au moment où ce sera utile. Nous allons devoir demander à Israël un effort. Seule une issue politique peut être porteuse de paix, au Proche-Orient et au-delà, car la question palestinienne est une matrice.

    SOURCE : Emmanuel Macron : « À mes yeux, Rafah est un point de rupture » - L'Humanité (humanite.fr) 

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Avec la panthéonisation

    de Manouchian, un président

     qui repeint son bilan

    Emmanuel Macron se prête à l’exercice risqué d’être mis face à ses contradictions, à l’occasion de la panthéonisation du résistant communiste. Pour s’en extraire, il n’hésite pas à prendre des libertés avec la réalité sur son bilan concernant le social, l’accueil des immigrés ou la lutte contre le RN.

    Manouchian, loi immigration RN... Emmanuel Macron face à l’Humanité

    Le 21 janvier 2024, à Paris, manifestation contre la loi immigration.© @Julien Jaulin/hanslucas

    Le président des riches s’est-il mué en président des salaires et du pouvoir d’achat ? Celui de la loi immigration qui a indigné jusqu’à TJacques Toubon est-il un défenseur sourcilleux de l’asile et du droit du sol ? Les électeurs qui lui reprochent d’avoir tourné le dos à son engagement de faire rempart à l’extrême droite se trompent-ils de cible en l’accusant de faire la courte échelle à Marine Le Pen pour 2027 ?

    Coincé entre sa volonté de relancer son quinquennat à quelques mois des européennes et la position minoritaire de son gouvernement à l’Assemblée nationale, le président de la République s’est prêté à l’exercice risqué d’être mis face à ses contradictions par l’Humanité, à l’occasion de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian. Il espère, en retour, redorer son image auprès d’un public humaniste et de gauche qui créditera le chef de l’État de sa volonté de dialogue avec d’autres convictions que les siennes.

    Est-ce cette ambition qui le pousse à prendre des libertés avec la réalité ? Ainsi de cette déclaration quand on le confronte à la montée des inégalités : « Je récuse cela factuellement. » Pourtant, l’Observatoire des inégalités notait par exemple, fin 2023, que les écarts de salaire « repartent à la hausse depuis dix ans » et que ce phénomène « constitue un retournement d’une tendance de long terme de diminution des écarts » de rémunération entre riches et pauvres.

    100 milliards de profits pour le CAC 40… et un président qui a refusé « tout coup de pouce »

    Le président ne dit rien non plus de l’explosion concomitante des avoirs des 500 plus grosses fortunes de France, qui ont bondi de 17 % en un an, selon Challenges. Quant aux profits du CAC 40, ils crèvent le plafond des 100 milliards pour la troisième année consécutive, rapporte l’Express. Des hausses sans commune mesure avec celle du Smic de 20 % depuis 2017 que vante Emmanuel Macron, laquelle n’est due qu’aux revalorisations automatiques du salaire minimum, en partie calculées sur l’inflation.

    Le président de la République, qui a refusé tout « coup de pouce » depuis sept ans, n’y est pour rien. Quant au « réarmement » des services publics, ceux qui prennent les transports publics, qui font face à la saturation des hôpitaux ou à l’étranglement des collectivités apprécieront, à l’heure de la nouvelle restriction budgétaire prônée par Bercy.

    Parmi d’autres sujets de discorde, on pourrait encore évoquer celui des immigrés qui auraient droit à l’hébergement inconditionnel en France. On pourra opposer au président le constat des associations sur le terrain, à l’instar du Gisti en 2022 : « Tenu d’assurer l’hébergement des demandeurs et demandeuses d’asile, l’État manque à cette obligation de longue date. »

    Et que dire d’un président qui justifie l’exception au droit du sol à Mayotte en reprenant la rhétorique de « l’appel d’air » et de l’invasion migratoire à propos des femmes comoriennes « qui viennent y accoucher pour faire des petits Français » (sic) ? Emmanuel Macron fait le pari qu’en reprenant certains mots à l’extrême droite, il la fera baisser. Au risque, lui a-t-on opposé, de la légitimer. Et d’empêcher – mais n’est-ce pas le but recherché ? – l’émergence d’une alternative de progrès.

    SOURCE : Avec la panthéonisation de Manouchian, un président qui repeint son bilan - L'Humanité (humanite.fr) 

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    « Bernard Deschamps écrit : 17 février 2024 NONANTE-DEUX ANS Merci !Panthéoniser les Manouchian c’est les trahir »

  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Février à 02:39

    Les réponses de Macron me paraissent complètement décalées par rapport à la réalité que je perçois !

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