• Robert Badinter : quand la droite fustigeait la nomination de «l'avocat des assassins»

     

    Robert Badinter : quand la droite fustigeait

    la nomination de «l'avocat des assassins»

    Robert Badinter, décédé à l'âge de 95 ans, est resté dans l'histoire comme le ministre de la Justice qui a soutenu l'abolition de la peine de mort. Mais son passage place Vendôme n'a pas été de tout repos.

    Robert Badinter : quand la droite fustigeait  la nomination de «l'avocat des assassins»

    Robert Badinter, en 1998.ERIC FOUGERE - CORBIS/GETTY IMAGES

    Depuis l'annonce du décès de Robert Badinter, à l'âge de 95 ans, les hommages sont nombreux de la part du monde politique, de tous bords politiques. Un respect visiblement unanime envers celui qui a aboli la peine de mort en France, qui tranche avec la virulence d'une partie de la classe politique lors de sa nomination au ministère de la Justice, en 1981. Lorsque son ami François Mitterrand le nomme garde des Sceaux, à la place de Maurice Faure qui ne resta que quelques semaines, la droite et l'extrême droite ne tarissent pas de critiques à l'égard de l'avocat, fustigé pour un prétendu laxisme.

    Sa nomination au poste de garde des Sceaux, quatre ans après avoir réussi à éviter la condamnation à mort de Patrick Henry, jugé pour le meurtre d'un enfant (il fut condamné à la prison à perpétuité), avait été plus que froidement accueillie, s'était-il souvenu dans son livre Les épines et les roses, publié en 2011 : « Ce n'était pas un choix facile pour François Mitterrand. Car, pour l'opinion publique, j'étais l'avocat des assassins […]. Les Français avaient le sentiment que je ne m'intéressais qu'aux libertés, jamais à leur sécurité. »

    La droite était vent debout contre sa nomination : « En Allemagne, ils ont la bande à Baader, nous, nous avons la bande à Badinter », s'était ainsi exclamé le général Bigeard, associé aux tortures pratiquées en Algérie que Robert Badinter avait dénoncées avocat. Il avait notamment défendu la famille de Maurice Audin, mort lors d'une séance de torture pendant la guerre.

    Aujourd'hui on continue d'honorer

    l'inventeur des "crevettes Bigeard"

    Dreux (France), une rue du nom

     du tortionnaire Bigeard 

    Le tortionnaire Bigeard en compagnie de son meilleur ami Valéry Giscard d'Estaing

    La technique des "Crevettes Bigeard" ? Elles resteront la sinistre image de cette époque qui perpétuera ce nom. Pour beaucoup, ce terme employé alors ne signifie rien, surtout qu’il ne figure dans aucun livre d’histoire de notre enseignement. Pourtant c’est en employant cette expression que Paul Teitgein interrogeait Massu, en 1957, sur les milliers de disparus pour lesquels il n’avait aucun rapport concernant leur "évaporation". Pour éliminer physiquement, en faisant disparaître les corps, Bigeard avait inventé cette technique : sceller les pieds du condamné (sans jugement, sinon le sien), vivant, dans un bloc de béton et le larguer de 200 ou 300 mètres d’altitude d’un avion ou d’un hélicoptère en pleine mer. Il avait perfectionné cette technique : au début les algériens étaient simplement largués dans les massifs montagneux, mais leurs corps étaient retrouvés. La seconde étape fut le largage en mer, mais quelques-uns sont parvenus à revenir à la nage sur la côte et échapper miraculeusement à la mort. C’est pourquoi il "fignola" le raffinement de sa cruauté en inventant le bloc de ciment. C’est par cette technique enseignée par son ami le Général Aussaresses (et les officiers supérieurs instructeurs associés Lacheroy, Trinquier…) que cette technique a été utilisée en Argentine en particulier pour les 30.000 disparus que pleuraient les "Folles de la Place de Mai".

    C’était l’armée française de la honte

     dans la très sale guerre d'Algérie

    Et pourtant ils sont si fiers de leurs décorations !!! 

     

    Dreux (France), une rue du nom

     du tortionnaire Bigeard 

    La ville de Dreux en France envisage de donner le nom du général Bigeard, un des responsables en chef de la torture pendant la guerre d’Algérie, à une rue de la ville. 

    Le régiment des parachutistes coloniaux (RPC) de Bigeard, à l’époque colonel, a torturé des innocents comme les autres régiments de la 10° DP de Massu engagés dans la bataille d’Alger de 1957. A ceux qui recherchaient ceux décédaient sous la torture, on faisait croire qu’ils avaient été transférés dans des « camps d’hébergements ».

    « Les crevettes Bigeard »

    Paul Teitgen, SG de la Préfecture d’Alger a mené des recherches dans les camps proches d’Alger, depuis Béni-Messous jusqu’à Aïn Oussera. il n’a rien trouvé. Mais il découvrira finalement les « crevettes Bigeard », c’est-à-dire les corps des suppliciés collés à une dalle de béton et largués en haute mer.

    Le colonel Antoine Argoud  qui commandait un secteur du Sud Algérois, a révélé que ses hommes ont découvert dans l’Atlas blidéen (au sud de Rovigo) un charnier de 60 hommes. C’était des prisonniers du RPC  morts sous la tortures et qu’on enterrait la nuit loin d’Alger. Donner à une rue le nom de Marcel Bigeard reviendrait à mépriser toutes ces victimes, ainsi que leurs familles, et à banaliser la torture, considéré comme crime contre l’humanité...

    « Badinter à Moscou »

    « Jouer la carte de la sécurité est toujours politiquement rentable. Il y a toujours quelqu'un, comme Marine Le Pen par exemple, pour en faire plus. La démagogie ruisselle, elle a là un terrain privilégié, irrationnel car l'être humain a peur », avait-il écrit dans son livre de 2011. Le choix de la femme politique donnée en exemple était loin d'être fortuit : en 1983, lorsque des centaines de policiers avaient manifesté sous les fenêtres du ministère de la Justice en criant « Badinter assassin ! » et « Badinter à Moscou ! », Jean-Marie Le Pen, alors président du Front national, se trouvait à leurs côtés.

    À l'annonce de son décès, la présidente du groupe renommé Rassemblement national à l'Assemblée a salué « une figure marquante du paysage intellectuel et juridique » : « On pouvait ne pas partager tous les combats de Robert Badinter, mais [il était un homme] de convictions », a-t-elle sobrement écrit sur X, ex-Twitter.

    Le président de la république Emmanuel Macron a annoncé qu'un hommage national sera rendu à l'ancien ministre de la Justice.

    Un discours historique

    Le 17 septembre 1981, Robert Badinter prononça un discours de deux heures entré dans les annales, demandant à l'Assemblée nationale d'approuver le projet de loi sur l'abolition de la peine de mort. En voici un extrait :

    « Le débat qui est ouvert aujourd'hui devant vous est d'abord un débat de conscience et le choix auquel chacun d'entre vous procédera l'engagera personnellement. (...) La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l'éclat des idées, des causes, de la générosité qui l'ont emporté aux moments privilégiés de son histoire. La France est grande parce qu'elle a été la première en Europe à abolir la torture malgré les esprits précautionneux qui, dans le pays, s'exclamaient à l'époque que, sans la torture, la justice française serait désarmée, que, sans la torture, les bons sujets seraient livrés aux scélérats. La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l'esclavage, ce crime qui déshonore encore l'humanité. Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d'efforts courageux, l'un des derniers pays, presque le dernier - et je baisse la voix pour le dire - en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. (...) Alors pourquoi le silence a-t-il persisté et pourquoi n'avons-nous pas aboli ? (...) Rien n'a été fait pendant les années écoulées pour éclairer cette opinion publique. Au contraire !

    On a refusé l'expérience des pays abolitionnistes; on ne s'est jamais interrogé sur le fait essentiel que les grandes démocraties occidentales, nos proches, nos sœurs, nos voisines, pouvaient vivre sans la peine de mort. (...) Il n'a jamais, jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l'absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante. (...) En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles. (...) La question ne se pose pas, et nous le savons tous, en termes de dissuasion ou de technique répressive, mais en termes politiques et surtout de choix moral. (...) Voici la première évidence: dans les pays de liberté, l'abolition est presque partout la règle; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée. Ce partage du monde ne résulte pas d'une simple coïncidence, mais exprime une corrélation. La vraie signification politique de la peine de mort, c'est bien qu'elle procède de l'idée que l'Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu'à lui retirer la vie. C'est par là que la peine de mort s'inscrit dans les systèmes totalitaires. (...) Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. A cet instant plus qu'à aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c'est-à-dire au sens de “service”. Demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon cœur, je vous en remercie. »

    Le projet de loi fut adopté, avec 363 voix contre 117, sur 486 députés votants à l'Assemblée, puis 160 voix à 126 au Sénat un peu moins de deux semaines plus tard. La « loi n°81-908 portant abolition de la peine de mort » fut promulguée le 9 octobre 1981.

    SOURCE : Robert Badinter: quand la droite fustigeait la nomination de «l'avocat des assassins» | Vanity Fair 


    Mort de Robert Badinter :

    un hommage national aura lieu mercredi

    au ministère de la justice

    Robert Badinter : quand la droite fustigeait  la nomination de «l'avocat des assassins»

    Robert Badinter est mort, dans la nuit du 8 au 9 février, à l’âge de 95 ans. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

    Un hommage national sera rendu à l’ancien ministre de la justice et avocat Robert Badinter, initiateur de l’abolition de la peine capitale en France, mercredi 14 février à midi, place Vendôme, à Paris, où se situe le ministère de la justice, a annoncé l’Elysée, samedi 10 février.

    Recueil de condoléances place Vendôme

    En hommage à Robert Badinter, un recueil de condoléances est mis à disposition des citoyens au ministère de la Justice, place Vendôme, du 9 au 11 février 2024.

    Robert Badinter : quand la droite fustigeait  la nomination de «l'avocat des assassins»

     

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  • Commentaires

    1
    Rolland maurepascoco
    Dimanche 11 Février à 08:36
    Je me souviens d'un.meeting à la mutualité ce combat était parallèle au refus de la guerre d'algerie le combat pour le planning familial pour le droit à l'Ivg contre le curetage des femmes alors que des bourgeoises se rendaient à l'étranger....etc
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